It's Thursday, today, isn't it? {R. Spencer & Harper}

Traversant le hall avec autant d’aisance qu’un poisson dans l’eau, Aiden Trager jaugeait l’endroit d’un regard souverain. Enfin… on pouvait le qualifier ainsi, vu l’air satisfait qu’il affichait, les yeux cachés derrière ses éternelles lunettes de soleil. Après avoir laissé un lourd toussotement dans la salle, il commença à faire de grands signes à l’aide de ses bras afin de faire taire tous les patients. « Mesdames et messieurs, la clinique est ouverte en ce moment-même ! Et nous avons une nouvelle résidente qui n’attend que vos pour exercer ses talents de médecin ! C’est donc par-là qu’il faut vous rendre… » Une quinzaine de personnes assises dans la salle d’attente se levèrent d’un bloc pour commencer à suivre la direction que leur indiquait l’homme aux lunettes. « Demandez le docteur Harper ! » Un sourire machiavélique aux lèvres, Trager fit volte face et entreprit son retour vers son bureau. « Indiquez la mine aux futurs patients je vous prie ! Et orientez les cas les plus... exaspérants à Harper ! » Avait chuchoté Trager à l’hôtesse d’accueil avant de franchir les portes de l’ascenseur.

« Où est-ce que tu m’emmènes ?! » Lança Spencer qui tentait bien que mal de gober son morceau de sandwich alors que Trager lui jetait des coups d’œil exaspérés à travers ses lunettes qu’il avait remis sur son nez. Il n’était pas loin de treize heures, et cela devait bien faire quatre heures qu’il avait ordonné l’envoi immédiat de tous les patients au dispensaire de l’hôpital. Il voulait voir comment elle se débrouillait… Ou plutôt non, il voulait montrer à Ian la nouvelle doctoresse qu’il avait embauché et à qui il menait un enfer !

« Arrête de poser des questions idiotes ! » Il haussa des épaules et c’est lorsqu’il avala sa dernière bouchée de sandwich qu’ils pénétrèrent dans le dispensaire. Trager grimaça en se rendant compte que c’était une de ces journées où il valait mieux ne pas être médecin à la mine. Aiden avait toujours qualifié ce genre de service comme le quatrième cercle de Dante. Il n’avait rien à voir avec les véritables cercles de l’enfer dudit Dante mais il aimait à croire que le monde hospitalier avait lui aussi une échelle d’horreur pour les médecins.

Trager s’avança, ouvrant les rideaux, tombant à chaque instant sur un interne faisant des coutures ou des patients horrifiés de voir leur intimité découverte en un mouvement de rideau. Il se dirigea ensuite vers les salles d’examens et, en remarquant une salle vide et le nom de Lisa Harper inscrit dans la case du médecin traitant, Trager poussa Ian à l’intérieur de la salle. « Croyez-moi, plus vous passerez tard, mieux vous vous porterez… c’est pas une pro du touché rectal, cette femme ! » Avait-il murmuré à un vieil homme avant de refermer la porte, qui semblait outré de les voir voler sa consultation.

Automatiquement, il sauta sur la table d’examen et, après avoir tapoté le matelas afin d’indiquer à Ian qu’il pouvait lui aussi s’asseoir, il lui dit. « Tu verras… c’est le Diable en personne… » L’air grave qu’il affichait était celui qu’il utilisait généralement pour annoncer les mauvaises nouvelles aux patients… Ou du moins, les fausses mauvaises nouvelles, car oui, Aiden Trager adorait emmerder les crédules qui lui servaient de patients autrefois. Lorsque la porte s’ouvrit, il pointa du doigt le neurologue. « C’est pour lui ! » Les lunettes noires sur le nez, il affichait un air qui se voulait être celui du ‘directeur-en-mode-incognito’… Rien, mis à part l’air exaspéré et exténué de Lisa et le visage horrifié de Spencer, ne lui firent plus plaisir à ce moment précis.

Ian baissa les yeux pour jeter un regard à sa montre, cette dernière affichait douze heures et quarante-cinq minutes à son cadran. Le neurologue savourait l'instant. Cette journée faisait sans doute partie de ces rares moments dans la vie d'un médecin où le travail n'affluait pas, où il se fait même plutôt rare. Pourtant, bien que le fait de disposer d'un peu de temps libre au beau milieu de ces journées de travail harassantes soit pour le moins fort agréable ; les médecins avaient plutôt tendance à fuir ces instants comme la peste. En effet, beaucoup d'entre eux avaient fort à penser qu'il s'agissait plus du fameux calme avant la tempête plutôt que de véritables moments de repos. De la superstition ? Bien sûr. Mais chaque médecin a de ses croyances bien précises, chaque chirurgien dispose d'une habitude étrange avant chaque intervention importante ; certains ne peuvent opérer sans leur précieux calot fétiche, d'autres se sentent obliger d'énoncer une phrase réconfortante afin de rassurer leurs équipes, mais avant tout eux-même.

« Où est-ce que tu m’emmènes ?! » Eh voilà qu'elle était arrivée la fameuse tempête, incarnée par le très charismatique Aiden Trager. Alors que Ian tentait tant bien que mal d'avaler le maigre sandwich qui lui faisait office de déjeuner, le chef du London James Hospital était venu le chercher pour le conduire il ne savait où.
« Arrête de poser des questions idiotes ! » Ian ne répondit même pas. Pour toute réaction, il haussa les épaules et enfourna dans sa bouche le dernier morceau qui lui restait de son repas. Après tout, cela ne l'étonna même pas. C'était Aiden, voila tout.

Les deux médecins pénétrèrent alors dans le dispensaire. Ce dernier était plein à craquer, les internes qui semblaient véritablement débordés couraient dans tous les sens, laissant ainsi un patient pour un autre. Certains étaient occupés à recoudre des plaies tandis que d'autres se chargeaient de vagues cas de rhumes anodins. Mais le dispensaire en lui-même n'était pas la destination finale qu'Aiden avait prévu pour son neurologue préféré. Il l'entraîna dans sa course et continua son chemin, ouvrant au passage les rideaux sous les yeux effarés des internes comme des patients. Mais Trager ne semblait pas se formaliser de si peu. Comme pour s'excuser d'être l'ami de celui qui bafouait en cet instant leur vie privée, Ian lança aux patients un regard désolé.

« Tu verras… c’est le Diable en personne… » Ian pris place à côté de Trager sur la table d'examen, dans l'incompréhension la plus totale. Il n'avait aucune idée de ce que pouvait bien préparer son meilleur ami. Ce qui, à vrai dire, était très, très loin de la rassurer. « Mais qui ça ? » A cet instant, la porte de la salle d'examen s'ouvrit pour laisser apparaître un médecin, encore inconnu de Ian. Ce dernier la détailla quelques brefs instants ; grande, brune, la quarantaine. « C’est pour lui ! » Lança alors Aiden, comme si de rien n'était, en pointa du doigt le neurologue assis à côté de lui. « QUOI ?! » Sous le choc, Ian s'était violemment tourné vers le chef de l'hôpital, la bouche ouverte sur les dernières syllabes qu'il venait de prononcer. Il se leva d'un bond, comme pour démontrer qu'il n'était absolument pas là pour une consultation et que cette place n'était pas la sienne.

« Veuillez l'excuser. » Lança-t-il à l'adresse de la femme qui était entrée. « Il ne va pas bien, aujourd'hui. Enfin, c'est comme ça tous les jours mais là il ne va vraiment pas bien. » Le neurologue insista surtout sur le mot "vraiment" avant de tourner la tête vers Trager et de poser les yeux sur lui en un regard particulièrement incendiaire. Il poussa par la suite un long et profond soupire, lourd de sens.

[Désolée. Embarassed

]

Invité

Trois jours de mises à l’épreuve. Ont aurait dit qu’elle pensait à la prison, ce qui était un peu vrai, vu que son patron n’était autre que Aiden Trager, l’homme qu’elle avait eu au lycée et en face avec elle. L’homme avec qui elle avait eu une relation amicale jusqu’à ce que ça se change en autre chose. Elle lavait aimé et c’était toujours le cas aujourd’hui. Pourtant, malgré ses années qui s’étaient déroulées sans grand intérêt pour Lisa, elle ne savait rien pour lui. Elle ne savait pas qui il était, ce qu’il était devenu et le pire pour elle c’était de l’avoir vu sans sourire, sans aucun point commun avec le jeune étudiant Trager de la fac. Lisa ne le reconnaissait pas et pouvait même dire qu’elle ne le connaissait pas. Elle ne savait plus du tout qui était cet homme, froid, distant, alors qu’avant, il était amical et souriant. Alors, ces trois jours étaient ceux d’un emprisonnement pour elle. Le docteur Harper avait donc eu le droit de travailler ici pendant l’absence d’un autre médecin. Elle savait très bien qu’elle serait professionnelle et qu’elle ne devrait pas faire de faux pas. Elle savait que si elle faisait une seule erreur, il ne l’a raterait pas et elle ne lui donnerait pas se plaisir.

Alors, ce matin, elle était plutôt contente des journées passées à aider les autres dans cet hôpital. Une fois lavée et habillée, elle avait prit la direction de l’hôpital. Durant les premiers jours, elle avait trouvée un logement, avec une titulaire et un interne. Tout les deux très gentils, malgré les différents qu’ils peut exister entre eux. Mais malgré tout, elle aimait bien vivre avec eux, alors une fois arrivée à l’hôpital, elle était partit dans les vestiaires et avait passée sa blouse blanche. Une fois fait, elle était allé se prendre un café et avait discuter avec quelques personnes avant d’aller travailler. Lisa arriva dans le hall et vit des patients en grands nombres et regarda autour d’elle. Elle était pour le moment, le seul médecin présent et elle savait que vu le nombre de personnes, la journée allait être longue et mouvementée. Le docteur Harper fut alors alpaguée par une infirmière qui lui demanda d’aller à la mine et de commencer à s’occuper de plusieurs patients. Une fois là-bas, elle commença à travailler, plutôt contente de pouvoir aider et soigner.

Au bout d’un moment, environ une heure de travail, Lisa fit le point sur les patients qu’elle venait de voir. Elle comprit bien vite que les cas les moins impressionnants et les plus barbants étaient pour elle. Lisa se dit que soit Aiden avait fait des siennes pour qu’elle puisent les avoir, ou c’est elle qui se faisait un film. C’est vrai, c’est pas parce qu’il a changé qu’il ne peut pas forcément rester du bon en lui. Puis, elle alla prendre un nouveau dossier et alla vers la salle d’examen et vit un homme âgé qui attendait en fixant la porte.

Monsieur Matthews ?

Oui c’est moi.

L’infirmière ne vous a pas fait entrer dans la salle ?

Elle me l’a indiqué, mais je n’ais pas put entrer.

Vous ne devez pas avoir peur, vu vos antécédents, vous n’avez pas grand-chose à craindre.

Ce n’est pas ça, mais un homme est passé devant moi et m’a dit que vous n’étiez pas un pro du touché rectal.

Lisa baissa la tête et soupira. Puis, elle reprit son sourire et regarda l’homme, en lui faisant signe d’aller s’asseoir. Le vieil homme lui dit aussi que cet homme avait un garçon avec lui, qui mangeait semblait-il et qu’il avait été traîné de force. Le docteur Harper le remercia et regarda autour d’elle et vit des infirmières sourirent. Bon au moins, elle ne s’était pas fait des films, c’est bien Aiden qui lui avait donné tous ses cas et lui qui était à l'intérieur, avec un pauvre garçon qui n’avait sûrement rien demandé. Alors, prenant un grand bol d’air, elle ouvrit la porte et vit Aiden assit ainsi qu’un garçon plus jeune, mais néanmoins séduisant. Elle leva les yeux au ciel, quand Aiden lui dit que c’était pour le garçon. Harper regarda le garçon en question qui avait l’air outré par le comportement du chef.

Elle ne dit rien et ferma la porte derrière elle tout en écoutant les propos de l’homme. Lisa regarda alors le jeune homme et lui sourit poliment. Elle savait très bien que si Aiden était là, ce n’était pas pour une visite de rutine pour être un patron agréable ou pour une raison qui le mènerait à être gentil. Alors, elle laissa le garçon finir de parler et sourit. Puis, elle posa son dossier, celui du patient Matthews sur le meuble à côté d’elle et alla s’asseoir sur le tabouret devant la fenêtre. Elle regarda le garçon, puis Aiden, avec un regard plus noir, mais pourtant, pas méchant.

Docteur Trager, je vous pensait plus professionnel que cela. Laisser les vrais patients à l’extérieur, pour jouer à m’ennuyer, franchement, je trouve ça pathétique. Je croyais vous connaître, mais vous n’êtes plus le même et je crois que c’est mieux comme ça. Moi qui avais peur de vous revoir, si vous êtes comme ça avec moi, je sais au moins qu’une page est tournée et qu’elle ne reviendra plus.

Puis, elle regarda le garçon à côté et sourit poliment.

Je suis désolé, vu qu’il ne le dira sûrement pas. Désolé de son esprit tordu, je suis le docteur Harper.

[Désolé pour le retard et la réponse pas top]

Trager savait que s’il n’avait pas été assis, le cri de Ian l’aurait carrément fait tomber du haut de sa stature : c’est qu’il était imprévisible, le p’tit. Il haussa les épaules, déforma son expression en une grimace d’excuse puis il lui dit, mettant sa main devant sa bouche pour faire mine qu’il échangeait un secret ultraconfidentiel avec le neurochir’ « Ba, ce n’est pas toi qui me disait que t’avais mal à tes… enfin, tes tu sais quoi, quoi ? » Le sérieux avec lequel Aiden avançait sa théorie était décontenançant. Des fois, il se demandait même comment Spencer réussissait à le supporter et à ne pas lui envoyer un crochet du droit en plein menton.

Lorsque Lisa se mit à le critiquer. Pas bon, première faute depuis son arrivée et pas des moindres… Critiquer le patron n’était pas réellement une chose à faire : elle vivait où, aux States ? Dans la ville entourée d’épis de Clark Kent ou quoi ? « Oh, professionnel, oui… Je pense l’être un minimum, étant donné que c’est moi qui me déplace de mon bureau pour pouvoir valider votre poste ! » Il haussa les sourcils et les épaules en même temps pour ensuite lui dire aussi sec « Et puis, il me semble vous avoir fait la remarque que toutes les petites allusions passées étaient proscrites ici, je ne vois vraiment pas pourquoi vous vous obstinez… » Il redoutait une remarque de Ian, lui qui attendait la moindre information venant de sa part pour pouvoir le poursuivre jusqu’à la fin de l’année et ainsi pouvoir faire pression sur lui si Trager se décidait à être un peu trop collant à propos de ses conquêtes.

Il tapota l’épaule de Spencer et, lorsque ce dernier porta deux yeux intéressés vers lui, Aiden lui fit un air de chien battu « Mais je serai toujours reconnaissant de t’avoir pour ami, tu sais très bien que je suis désolé et que tu n’a pas besoin d’elle pour savoir ça, pas vrai ? » L’absence de réaction lui permit de feinter l’indignation. « Je suis entouré de traîtres ! » Puis, reprenant son air sérieux, croisant ses jambes de géant au niveau des tibias, les balançant dans le vide, il se tourna vers Lisa et commença à lui dire « Quelle est votre spécialité ? » Il n’avait pas prit la peine de lire son CV durant ces jours de mise à l’épreuve. Il avait bien tenté, le soir même de son arrivée au London James, tout d’un coup curieux et nostalgique d’un passé lointain. Mais devant le dossier de celle qu’il considérait comme la personne la plus importante de sa vie lors du début de sa vie d’adulte, il avait sentit un sentiment de lâcheté l’envahir tout entier. Il ne pouvait pas lire sa vie ainsi, pas après ce qu’elle avait fait et pas après l’avoir rayé de son existence. Savoir son parcours professionnel, c’était comme entrer de nouveau dans une partie intime de son passé, un secret, une bête noire qu’il préférait garder bien enfouie au fond de son esprit.

« Et toi, tu lui souffles pas ! » Lança-t-il avec une lueur complice dans les yeux lorsqu’il observa Ian. Mais lorsqu’il regardait Lisa, son regard était neutre. Indifférent. Blessant…

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